À l’occasion des lancements médiatiques de La Sélection Chartier 2009, les 15 et 21 octobre, à Montréal et à Québec, nous avons orchestré une aventure du goût autour de mes recherches en sommellerie moléculaire, en présentant un menu de « grande cuisine en miniature », donc sous forme de canapés.
J’ai ainsi conçu et réalisé de toutes pièces un menu, avec l’amicale collaboration de Stéphane Modat, chef des restaurants Utopie et Le Cercle, à Québec, venu à Montréal pour l’occasion avec son équipe.
J’ai cru bon vous résumer les bouchées dégustations et les harmonies que nous y avons présentées, question de vous permettre d’envisager quelques harmonies identiques à la maison, à partir des mêmes ingrédients utilisés, mais cuisinés à votre façon.
Voici le texte complet, et original, qui fait suite à la chronique
Vins & Mets publiée dans le quotidien La Presse du 1er novembre
2008:
Avant tout, il faut savoir que les pistes harmoniques que je livre ici peuvent être effectuées autant avec une cuisine quotidienne qu’une cuisine d’avant-garde, comme ce fut le cas lors des lancements présentés à la Maison du Gouverneur, à Montréal, ainsi qu’au bar à vin Le Cercle, à Québec.
Ce qu’il faut retenir, ce sont les ingrédients dominants des différents canapés, tous des « ingrédients de liaison harmonique » jouant un rôle central tant dans la création de ces tapas que dans leur harmonie avec les vins proposés.
Au départ, j’ai choisi différents thèmes harmoniques, de sorte que les saveurs de chaque canapé se chevauchent, sans nuire au canapé qui précède ou à celui qui suit, tout comme pour être en symbiose parfaite avec le vin servi et le vin suivant.
À la manière d’un arpège, en musique, où chaque note jouée une à une compose la sonorité de l’accord final, chaque saveur se juxtaposait pour donner un accord par plat, pour ainsi aboutir, après dix canapés, dont deux liquides, et trois vins, à une symphonie de saveurs sur la même tonalité harmonique.
Les trois grands thèmes de cette expérience étaient les anisés avec, pour référence, la menthe et ses semblables, suivis des pyrazines, qui s’expriment dans les vins de cabernet par, entre autres, la note de poivron, ainsi que dans les viandes cuites, par celle de torréfaction, et terminant avec l’univers du solerone, qui donne la signature aromatique aux figues séchées et aux dattes.
Afin de mettre les papilles des convives sur la piste des ingrédients au goût anisé, nous avons offert aux invités, dès leur arrivée, un verre contenant une gorgée de thé vert japonais Kabusecha Kawase, servi frais, à 20 degrés Celsius, dans lequel nous avions ajouté une sphère de concentré de jus de cerfeuil, herbe de la famille des anisés. Effet rafraîchissant, pour réveiller les papilles, et un brin anisé, pour les mettre sur la piste de ce qui allait suivre.
Une fois la porte de la salle franchie, nous leur avons servi, to the go, un canapé sur une gelée de basilic, air de concombre à la citronnelle, caramel de carottes jaunes, cube de pommes confites au zathar, qui s’accordait avec le goût du thé vert subsistant en bouche, et annonçait le vin blanc qui allait être servi une fois les invités assis à table.
Ce vin, à base de cépage verdejo (le jumeau moléculaire du sauvignon blanc!), était le Verdejo Bribon 2006 Rueda, Prado Rey, Espagne (15,25 $; 10856371), aux notes vertes et anisées on ne peut plus rafraîchissantes, à l’image du canapé et du thé vert.
Ceci venait compléter le premier service composé de trois successions de saveurs.
Toujours avec le même vin, deux bouchées furent servies. La première était composée d’ingrédients au goût anisé et au goût de froid : Meringue de persil frisé, fenouil confit à la badiane, crémeux de barre à boulard de la ferme Tourilli, perles de jus de yuzu biologique, fleur de sel à la lime.
À la maison, vous pourriez confectionner un sandwich au fromage de chèvre de la même ferme Tourilli, avec persil, fenouil et zeste de citron, tout en réussissant exactement la même harmonie avec ce verdejo.
Dans la seconde bouchée s’ajoutait, aux deux univers de saveurs, celui des pyrazines végétales : Guimauve de pois verts à la menthe, faisan cuit sous vide au cèdre, air de livèche, fleur de sel à la lime kaffir.
La deuxième assiette de duo de canapés, pour s’harmoniser au vin rouge, tout en rappelant le précédent vin blanc, spécialement pour la première bouchée, était composée d’un canapé intitulé « Comme une pâte de fruits de poivron rouge brûlé à l’huile de sésame, thon rouge grillé, servi froid mariné au niora », tandis que le second portait le nom de « Bœuf fumé avant cuisson, riz sauvage soufflé à la chicorée, feuille de basilic thaï, huile de pépins de raisins parfumée au piment de la Jamaïque ». Tous deux sous les thèmes de « Pyrazine de cuisson/Lignine/Vanilline/Eugénol ».
Des familles de composés aromatiques issus à la fois du chêne des barriques et des cépages merlot et cabernet, tout comme des ingrédients utilisés pour créer ces deux tapas. Amusez-vous à cuisiner ces aliments comme bon vous semble, afin de réaliser l’harmonie avec la remarquable réussite qu’est le Château Garraud 2005 Lalande-de-Pomerol, France (29,25 $; 978072), aussi offert en demi-bouteille (à 16,45 $; 913277).
Avant la surprise finale, une dernière assiette de deux créations fut servie, pour s’harmoniser avec le mémorable Single Harvest 1995 Madère, Henriques & Henriques, Portugal (23,95 $; 10808927) — actuellement disponible en quantité limitée, mais qui devrait faire un retour d’ici les fêtes —, enchaînant sur le même thème harmonique du précédent service.
Ce premier canapé (Betteraves rouges confites à la vanille, chair d’orange au Campari et au clou de girofle, fleur de sel au cacao de Trinidad, poudre de sumac) lui permettait ainsi de s’allier autant au vin rouge qu’au madère.
Puis, voguant dans l’univers des principes actifs « Solerone/Vanilline/Coumarine/Eugénol/Lactones/Benzaldéhyde », le deuxième canapé (Biscuit aux dattes imbibé de xérès et de cannelle, dôme de lait de coco torréfié, butterscotch au scotch et lait d’amandes) s’interpénétrait à perfection avec le madère, tout en préparant la bouche au dernier accord.
Enfin, juste avant de quitter la salle, les invités se voyaient servir une gorgée de thé Wulong Pinglin Bao Zhong 1985 (Taiwan), des boutiques de thés Camellia Sinensis, dans un verre à dégustation, afin d’imprégner leur bouche de saveurs fumées et torréfiées.
Puis, quelques pas plus loin, la dernière bouchée de grande cuisine en miniature : un carré aux figues, crème fumée, sucre médium à la racine de réglisse, signant la suite des thèmes, avec des notes « Solerone/Lactones/Pyrazine/Furfurale/Coumarine ».
Sorte de carré aux dattes « aux figues », rehaussé de crème au goût fumé (il suffit de macérer du thé noir Wulong dans une crème 35 % chaude, et, une fois refroidie, d’effectuer une Chantilly), ainsi que d’une pointe de réglisse (qui pourrait être un doigt de Pernod dans la préparation de figues séchées).
Voilà!
Notez bien les aliments utilisés pour chaque création et pour chaque vin, et créez vos propres recettes et harmonies. Votre symphonie résonnera à son tour dans vos… papilles!
Note :
Pour une vue d’ensemble du menu et des thés et vins en harmonies, cliquez sur les deux photos afin d'agrandir l’invitation et le menu de ces deux événements.
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